Trois petits tours et puis s’en vont… Voilà comment sont parfois perçus les étudiants en santé mondiale qui vont soigner des patients dans le cadre de stages dans des pays en développement. Pourtant, il existe des façons de tirer parti de ces séjours tant pour les stagiaires que pour les soignants locaux.
Des stagiaires québécoises en sciences infirmières se rendent dans un pays en développement pour quelques semaines, apprennent sur les pathologies tropicales, soignent des patients, puis repartent. Comment ces missions, malgré leur courte durée, peuvent-elles être plus bénéfiques à long terme pour les coopérants, les bénéficiaires et le personnel soignant local?
C’est une question à laquelle ont tenté de répondre Oumar Mallé Samb, professeur agrégé en santé mondiale à l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue (UQAT) et Marc Imbeault, professeur agrégé au Collège militaire royal de Saint-Jean.
« Ces courtes missions soulèvent plusieurs enjeux éthiques. Souvent, peu d’attention est accordée à la pérennité des actions et à l’implication des communautés locales, ce qui est pourtant nécessaire pour s’assurer de bien répondre à leurs besoins », signale Oumar Mallé Samb qui est aussi directeur des programmes de santé mondiale à l’UQAT. Ce programme comprend un stage à l’international destiné aux professionnels de la santé désirant développer leurs compétences pour intervenir en première ligne dans des pays en développement. Ils apprennent comment intervenir avec des ressources qui sont limitées tout en tenant compte des particularités culturelles.
Pour leur étude, les deux professeurs se sont intéressés à un stage réalisé au Sénégal qui avait pour objectif d’améliorer les connaissances des étudiants sur des pathologies tropicales, comme le paludisme et la fièvre jaune, en plus de les entraîner à les traiter. Les chercheurs ont sondé les différentes parties prenantes, soit les stagiaires, les bénéficiaires et le personnel de la santé local qui ont pris part au projet dans les sept dernières années avant qu’éclate la pandémie.
« Aux yeux de la grande majorité des stagiaires, cette expérience leur a permis de développer des compétences sociales, personnelles et professionnelles », affirme Oumar Mallé Samb. Il précise aussi que la population locale a apprécié les enseignements donnés par les stagiaires dans différentes activités de prévention, par exemple sur la malnutrition des enfants et l’hypertension artérielle.
« Mais, certains professionnels de la santé locaux pensent qu’on pourrait faire davantage pour que les bénéfices soient plus réciproques, ajoute M. Samb. Par exemple, ils aimeraient que la rencontre entre le stagiaire et le professionnel de la santé local à la fin du stage inclut plutôt tout le personnel de santé afin de partager plus largement les leçons apprises. »
Gagnant-gagnant
Les deux chercheurs ont réfléchi à des solutions pour que tous y gagnent. Ils estiment entre autres que la formation préparatoire joue un rôle crucial.
« Sur le terrain, les stagiaires se retrouvent devant différents enjeux éthiques, affirme M. Samb. Ils arrivent avec une expertise, mais ils doivent s’assurer de la mettre en œuvre tout en respectant les lois du pays – par exemple, l’avortement est interdit au Sénégal. Ils doivent aussi donner des médicaments et des traitements qui pourront être poursuivis une fois les étudiants repartis. Le stage doit permettre de renforcer les capacités des milieux de soins et il faut mieux préparer les stagiaires à cette nécessité. »
En même temps, les étudiants doivent garder en tête qu’ils vont d’abord en stage pour apprendre sur des pathologies tropicales absentes au Québec. « Les savoirs occidentaux ne sont pas universels : il y a une pluralité de savoirs dans le monde, explique M. Samb. L’UQAT travaille à décoloniser la façon dont on met en place les pratiques de santé mondiale. »
À son arrivée à la direction des programmes en santé mondiale, Oumar Mallé Samb a d’ailleurs demandé aux professionnels de la santé des pays qui accueillent des stagiaires de proposer des thèmes prioritaires pour réaliser des activités de prévention. Les stagiaires en choisissent ensuite un en fonction de leur expertise. L’initiative a porté fruit. « Notre étude a révélé que lorsque nous jumelons l’expertise des étudiants, par exemple sur les soins néonataux, la réanimation néonatale et la prise en charge des nouveau-nés à risque ou la prévention du diabète, avec des professionnels de la santé qui ont exprimé des besoins en ce sens, les stages étaient particulièrement appréciés. »
Ces résultats peuvent rayonner au-delà de l’UQAT. « Les missions à court terme se multiplient, remarque le chercheur. Il y a un désir d’améliorer la santé et le bien-être des populations vulnérables dans des pays aux ressources limitées, de même qu’une volonté de développer des compétences à interagir avec des gens de cultures différentes. Il faut donc trouver des façons de rendre ces missions plus intéressantes à long terme pour les populations locales.»
Image en ouverture: Le parasite à l’origine du paludisme est transmis par la piqûre d’un moustique. Selon l’Organisation mondiale de la santé, 228 millions de cas sont survenus en 2018, la plupart sur le continent africain. Pixabay
Cet article a été réalisé en partenariat avec l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue.
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